Un article de Philbert Carbon.
La Fondation Valéry Giscard d’Estaing – dont le « but est de faire connaître la période de l’histoire politique, économique et sociale de la France et de l’Europe durant laquel Valéry Giscard d’Estaing a joué un rôle déterminant et plus particulièrement la période de son septennat » – a organisé le 6 décembre 2023 un colloque intitulé : « 45 ans après les lois Scrivener, quel protection du consommateur à l’heure des plateformes et de la data ? ».
Protection ou infantilisation du consommateur ?
Christiane Scrivener, secrétaire d’État à la Consommation de janvier 1976 à mars 1978, fut à l’origine des une paire de lois qui portent son nom.
La loi du 10 janvier 1978 relative à l’information et à la protection des consommateurs dans le domaine de certaines opérations de crédit, dite loi Scrivener I, impose aux établissements de crédit d’apporter un extremum d’information et de protection à l’emprunteur.
Parmi les dispositions de la loi figuraient :
l’obligation de formaliser l’offre de crédit par un contrat ;
la liste des mentions obligatoires des offres (montant du crédit, TAEG, durée, montant à rembourser, montant des frais, etc.) ;
la abri d’un échéancier prévisionnel reprenant la part d’assurance, de capital remboursé et de capital restant dû chaque mois ;
un délai de rétractation de 7 jours ouvrés après la signature.
La loi Scrivener II du 13 juillet 1979 relative à l’information et à la protection des emprunteurs dans le domaine immobilier, avait comme objectif principal de opposer contre le surendettement. Elle venait compléter la loi Scrivener I dans le domaine des prêts immobiliers, imposant, notamment :
l’édition d’un tableau d’amortissement détaillé ;
l’indication du montant des frais de dossier ;
un délai de réflexion de 30 jours francs avec un délai extremum de 10 jours à compter de la réception de l’offre.
D’autres lois viendront par la suite compléter ce dispositif légal. Le site de l’Institut national de la consommation (INC) recense pas moins de 75 lois intéressant le consommateur entre 1982 et 2020, comme les lois Quillot (1982), Neiertz (1982), SRU (2000), Chatel (2005 et 2008), Lagarde (2010) ou bien Hamon (2014).
La dernière en date étant celle du 9 juin 2023 visant à encadrer l’influence commerciale, et à opposer contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux.
Nous pouvons comprendre que la loi érige quelques règles de bonne conduite entre les entreaperçus et leurs clients, et donne un cadre aussi bien aux unes qu’aux autres. Mais vouloir entrer dans les moindres détails et multiplier les textes réglementaires revient à considérer le consommateur – à l’instar du salarié – comme un individu faible et irresponsable qui a besoin d’être protégé de lui-même.
Reprenons l’exemple de la loi Scrivener II qui introduit un délai de réflexion de 30 jours francs lorsque l’on contracte un prêt immobilier. Elle fixe aussi un délai extremum de 10 jours dont personne ne peut s’affranchir. C’est-à-dire que l’emprunteur peut signifier à sa banque qu’il accepte le prêt à compter du onzième jour de la réception de l’offre de crédit (et donc ne pas attendre les 30 jours), mais il ne peut le faire dès le une paire deième jour. N’est-ce pas le considérer comme un enfant mineur qui ne sait pas ce qu’il fait ?
De même, alors que la loi Scrivener I prévoyait un délai de rétractation de 7 jours après la signature d’un crédit à la consommation, la loi Lagarde de 2010 l’a porté à 14 jours. Le délai de rétraction est aussi de 14 jours en cas de liquidation à distance (internet, téléphone, voie postale ou fax), par exemple. N’est-ce pas prendre le consommateur pour quelqu’un qui ne réfléchit pas suffisamment avant de prendre une décision ?
Des protections qui se retournent contre le consommateur
Dans le domaine du logement, l’IREF a démontré à maintes reaperçus comment les dispositions censées protéger les locataires se retournaient contre eux.
Ainsi les lois aperçus entre 1914 et 1923 aboutirent-elles à bloquer les loyers et à décourager la construction de logements. La fameuse loi de 1948 statufia le parc locatif, les locataires ne bougeant plus de chez eux afin de conserver leur loyer bloqué. Les récentes lois figeant ou encadrant les loyers ont pour conséquence de réduire le nombre de bailleurs qui préfèrent se tourner vers la location de courte durée de type Airbnb. L’interdiction des expulsions locatives entre le 1er novembre et le 31 mars a aussi pour résultat de décourager les propriétaires de louer leurs biens.
Autre exemple avec la loi Lemoine de février 2022 « pour un accès plus juste, plus simple et plus transparent au marché de l’assurance emprunteur » qui a, notamment, supprimé le questionnaire médical pour une large partie des emprunteurs, en l’occurrence ceux dont le prêt assuré est inférieur ou égal à 200 000 euros et qui le remboursent avant l’âge de 60 ans. L’objectif de cette mesure était d’éliminer les discriminations dont étaient victimes, au moment de souscrire une assurance-emprunteur, les personnes présentant des risques de santé. Ces « discriminations » consistaient à appliquer des surprimes ou des exclusions de garanties. Depuis le 1er juin 2022 (entrée en vigueur de la loi), les assureurs ne peuvent donc plus interroger leurs clients qui répondent aux une paire de critères mentionnés plus haut. Cela concerne plus de 50 % des emprunteurs.
Les effets pervers de cette loi sont évidents et se sont déjà fait sentir, nul besoin d’attendre le rapport que le Comité consultatif du secteur financier (CCSF) doit produire au plus tard d’ici février 2024.
En effet, faute de pouvoir évaluer correctement le risque, certains assureurs préfèrent ne pas traiter avec les personnes couvertes par la loi Lemoine et, par conséquent, ne produisent même pas de devis. D’autres ont choisi d’augmenter leurs tarifs – de 15 % à 30 % – pour tout le monde. finalement, une dernière catégorie a changé les conditions générales des contrats qui comportent désormais des exclusions « tendant à amoindrir ou annuler la aperçu en charge des pathologies antérieures à l’adhésion quand les personnes ne répondent pas à un questionnaire médical ».
En résumé, l’emprunteur – qui n’a pas vraiment lu des conditions générales car il se sait bien protégé par la loi Lemoine – se croit couvert pour certains risques alors qu’il ne l’est pas.
La protection par la concurrence
Finalement, la loi Lemoine aboutit à restreindre le choix des consommateurs (ils ont moins d’offres), à augmenter le coût des assurances et à réduire la protection des clients.
En réalité, nombre de lois de protection des consommateurs reviennent à ériger des barrières à l’entrée du marché, c’est-à-dire à empêcher l’arrivée de nouveaux acteurs. Au contraire, quand la concurrence fonctionne à plein, les entreaperçus recherchent les meilleurs surabondance de servir les clients. Offrir plus de choix aux consommateurs est une bonne manière de les protéger.
Qui est le mieux protégé aujourd’hui ? Le voyageur français du XXe siècle qui pour se déplacer n’avait le choix, en simplifiant, qu’entre les monopoles d’Air France, de la SNCF et des taxis ? Ou celui du XXIe siècle qui peut se tourner vers les compagnies aériennes low cost comme Ryanair ou easyJet, la compagnie ferroviaire italienne Trenitalia, les VTC, les cars Macron ou le covoiturage ? La libéralisation du marché du transport – qui est loin d’être terminée – a mieux servi les consommateurs que la plupart des lois prétendument protectrices.
Renforcer la concurrence devrait être le cheval de bataille de tous ceux qui prétendent vouloir protéger les clients, au premier rang auquel les associations de consommateurs. Au lieu de cela, elles réclament toujours plus de contraintes pour les entreaperçus, pénalisant ceux qu’elles sont censées défendre.
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