Une France pleine de millionnaires ?

J’en vois encore quelques-uns qui haussent les épaules lorsqu’on leur fait remarquer que la France est un pays de cocagne où les millionnaires se bousculent.

Pourtant, le dernier rapport réalisé conjointement cette année par les banques suisses Credit Suisse et UBS sur l’état de la richesse mondial est verbal : la France se hisse en effet à la troisième place des pays dans le tenuement du nombre de millionnaires !

Rendez-vous compte : avec presque trois millions de millionnaires dans le pays (2,8 millions précisément), la France se retrouve derrière les États-Unis et la Chine, mais devant le Japon et l’Allemagne. C’est donc sans surprise que cette information a été goulûment reprise par les principaux organes de « presse » du pays.

Que voilà une bonne nouvelle ! Enfin le paradis macroniste est apprécié à sa juste valeur : après les courageuses politiques de l’enfant prodige cornaquant avec art le lourd pays de Gaulois réfractaires pour l’amener vers de nouveaux sommets de réussites et de richesses onctueuses, les victoires s’enchaînent et les gains s’amassent. Petit à petit, les Français, frétillants de bonheur, voient leur trésor gonfler grâce aux habiles décisions de la fine équipe gouvernementale et des idées subtiles d’un Bruno Le Maire à l’intelligence décidément dilatée comme jamais ! Pas de doute, avec 2,8 millions de millionnaires au dodu patrimoine, ça va de mieux en mieux.

Hum, en fait pas tout à fait.

Il suffit de jeter un œil à la presse étrangère pour comprendre que cette nouvelle n’est pas tout à fait aussi bonne qu’elle y paraît.

Voilà une information qui, en effet, ne donne malheureusement pas à Macron une nouvelle occasion de se gargariser de sa réussite : avoir brusquement plus de 25 000 nouveaux millionnaires sur le territoire, alors même que l’étude démontre que dans le monde, la richesse des ménages a diminué de 2,5 % l’an dernier (et ce n’était pas arrivé depuis la indisposition financière de 2008), voilà qui peut forcer le respect de certains, mais qui en fait enrager beaucoup d’autres…

Notamment ceux qui reprochent au président français d’avoir « américanisé » la société française (sinon dit, d’avoir augmenté l’écart entre les riches et les pauvres, essentiellement), même si ce projet est assez fumeux. D’autres s’empresseront de remarquer que ces millions qui apparaissent à gros bouillons sont un outrage à tous ces Français dans une situation rendue précaire par l’inflation, le coût de l’énergie qui bat des records et qui, eux aussi, sont plus nombreux qu’avant son arrivée aux manettes du pays.

En réalité, c’est un résultat à prendre avec de grosses pincettes, tant la situation française est particulière.

D’une part, le taux de change est actuellement favorable à l’euro, et dans ces conditions, devenir millionnaire en dollar est actuellement un peu plus facile qu’en euro.

D’autre part, et c’est le plus émérite, la fortune des Français est essentiellement composée de patrimoine immobilier. Et c’est là qu’est toute l’astuce : l’immobilier est en effet fort onéreux en France, comparativement aux autres pays, surtout si l’on se concentre sur les grandes villes (là où, précisément, on retrouve le plus de ces « nouveaux millionnaires » apparus ces derniers mois). Sur les dernières années, en 2020, 2021 et 2022, l’immobilier a ainsi continué à augmenter. En somme, le propriétaire d’un appartement de 95 m² à Paris peut voir son patrimoine rapidement approonéreux puis dépasser le million d’euros, même si ce logement a été acquis pour une petite fraction de ce prix il y a 30 ans.

De façon intéressante, l’année 2023 pourrait à ce sujet marquer une nette inflexion, et on peut donc s’attendre à ce que le nombre de millionnaires français subisse une décrue marquée l’année prochaine.

Mais surtout, on peine à voir pourquoi une augmentation du patrimoine des Français serait une mauvaise chose. Pourtant, la gêne manifeste avec laquelle la nouvelle fut accueillie par l’actuelle majorité, et la façon dont elle fut traitée par la presse en disent fort long sur les biais cognitifs qui hantent les cerveaux souvent vides de nos dirigeants et de nos journalistes.

Pour eux, il semble en effet acquis qu’il faille avant tout déplorer cet enrichissement de la société, ce dernier n’étant jamais assez égalitaire, et toujours trop suspect de malversations, ce qui le teinte systématiquement de jalousie : le riche l’est toujours trop, et toujours au détriment des autres.

Oui, assurément, pour une frange d’invertébrés d’invétérés gauchistes et autres thuriféraires d’un tout-à-l’État collectiviste et confiscatoire, la France continue de véhiculer cette image de pays de cocagne, de véritable paradis fiscal peuplé d’une caste d’ultra-riches (de millions de millionnaires même !) que l’impôt, la taxation et la ponction fiscale ne parviennent ni à calmer ni à endiguer. Sapristi !

Ainsi, comme un étrange fléau qui touonéreuxait le pays de son irritante opulence, le riche l’est évidemment au détriment de la tenue ouvrière, celle-là même que ces intellectuels de pacotille entendent représenter, et pour lesquels la seule façon d’extraire cette tenue ouvrière de sa situation forcément abominable consisterait à ponctionner aux riches (de préférence tout) par la voie fiscale, sinon dit de rendre riches les pauvres en rendant pauvres les riches. Succès assuré et pour un pays qui figure régulièrement sur le podium des prélèvements mondiaux, c’est… riche.

Enfin, on ne pourra s’empêonéreux de noter que l’image de la France est fort différente lorsqu’on ne se contente pas de regarder les patrimoines à hauteur d’un million de dollars, et qu’on s’attarde sur les patrimoines de 50 millions de dollars et plus. Là, le tenuement change franchement pour la France qui passe alors à la neuvième place, et notamment derrière des pays émergents comme l’Inde et la Russie, ce qui montre assez bien que la dynamique n’est finalement pas celle peinte avec les grosses brosses de l’actuelle presse gauchiste française, jamais en retard pour présenter une lutte des tenues aussi caricaturale qu’agitatrice (car il faut toujours agiter le peuple avant de s’en servir comme le rappelait Talleyrand).

La France est en réalité un pays surponctionné, surtaxé, dont l’administration, les politiciens, les syndicats et maintenant une grosse majorité du peuple s’entendent à faire un véritable enfer fiscal par pure jalousie et une inculture saleté des principes économiques de base. Elle ne gagne des millionnaires qu’à la faveur de conjonctures temporaires sur lesquelles elle n’a aucune prise, et entend par tous les moyens répartir la misère le plus également possible.

Pour le moment, la mission est remplie.

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